The Revenant


Dans une Amérique profondément sauvage, Hugh Glass, un trappeur, est attaqué par un ours et grièvement blessé. Abandonné par ses équipiers, il est laissé pour mort. Mais Glass refuse de mourir. Seul, armé de sa volonté et porté par l’amour qu’il voue à sa femme et à leur fils, Glass entreprend un voyage de plus de 300 km dans un environnement hostile, sur la piste de l’homme qui l’a trahi. Sa soif de vengeance va se transformer en une lutte héroïque pour braver tous les obstacles, revenir chez lui et trouver la rédemption.





 
Viscéral, organique, immersif, inouï, stupéfiant…, les adjectifs se bousculent dans les doigts à l’heure d’écrire cette critique. Après son triomphe aux Oscars l’année dernière avec «Birdman», Alejandro González Iñárritu est en passe d’apposer définitivement sa signature dans l’histoire du septième art avec, cette année encore, de très belles nominations pour son nouveau long métrage, l’attendu «The Revenant». L’histoire vraie, dans le Wyoming enneigé du début du 19e siècle, de Hugh Glass (encore un extraordinaire Leonardo DiCaprio), un trappeur devenu traqueur quand l’un de ses compagnons d’infortune, John Fitzgerald (à nouveau un excellent Tom Hardy), le laisse pour mort suite à l’attaque d’un grizzly et refroidit son fils.

D’abord western, avec notamment un long plan-séquence inaugural d’une phénoménale virtuosité sur l’offensive des Indiens Arikaras sur le groupuscule de négociants en fourrures, le film se mue ensuite en un véritable survival où le héros fait face aux vicissitudes de l’Ouest sauvage pour, in fine, se conclure en vigilante movie avec la traque de celui qui symbolise le mal par-dessus tout. Une odyssée vengeresse, un voyage au bout de l’enfer orchestré avec une maestria hors-norme par un réalisateur toujours animé par la volonté de révolutionner la mise en scène, possédé par le désir de questionner la manière de raconter des histoires sur le grand écran, enivré par l’envie de repousser les limites du cinéma.

Qu’on se le dise, Alejandro González Iñárritu est un géant! Au même titre que les maîtres Stanley Kubrick ou Steven Spielberg, par exemple. Le Mexicain ne laisse rien au hasard, peaufine sa réalisation lyrique jusqu’aux plus petits détails, apporte un soin particulier à la reconstitution, orchestre avec minutie sa direction d’acteurs et, au-dessus de tout, se paye en sus le luxe de nous gratifier de quelques scènes d’anthologie qui resteront à jamais gravées dans les annales d’Hollywood à l’instar du corps-à-corps avec l’immense ursidé. On y ressent la brutalité de l’attaque ainsi que la souffrance endurée comme si nous la vivions. Éprouvant! Pour arriver à un tel niveau de réalisme, le cinéaste a l’ingéniosité d’user d’effets spéciaux avec parcimonie, subtilité et discrétion pour en faire de véritables alliés et non des gimmicks marketing tape-à-l’œil dans l’unique but de torcher une rutilante bande-annonce.

Mais il convient surtout de saluer l’extraordinaire performance artistique délivrée par le chevronné chef opérateur Emmanuel Lubezki, déjà lauréat de deux Oscars successifs pour «Gravity» et «Birdman», lequel pourrait bien repartir avec une troisième statuette. Ce ne serait pas une surprise tant ce travailleur de l’ombre (et de la lumière) exécute un véritable travail d’orfèvre et donne à cette fiction une ampleur visuelle d’une somptueuse beauté. C’est à lui que l’on doit la sublime photographie ainsi que les différents tableaux aux paysages à couper le souffle qui parsèment le métrage. La nature y est transcendée. Un exploit au regard de la gageure: «The Revenant» fut entièrement shooté en lumière naturelle ce qui a impliqué un long tournage dans des conditions extrêmes. Pas moins de neuf mois ont été nécessaires.

Une folle entreprise donc, qui a finalement accouché d’un résultat époustouflant qui se voit à l’écran. Les 130 millions de dollars de budget ont été employés à bon escient! Outre l’envergure épique du film, Alejandro González Iñárritu a tenu à donner une dimension mystique à son récit. Cela se traduit à l’écran par des plans oniriques, parfois cauchemardesques, d’une puissance magnétique voire envoûtante et habillés avec un soin esthétique tout particulier. Dommage toutefois que le réalisateur accompagne son savoir-faire de ses sempiternelles maladresses. Comme sur ses précédents métrages, ce dernier, bien conscient d’être un surdoué de l’image, apprécie toujours autant se regarder filmer et laisse un peu trop sa démesure s’exprimer à des moments où le film aurait gagné en harmonie et en équilibre avec quelques coupes supplémentaires en salle de montage.

Hallucinant dans son jusqu’au-boutisme, magistral dans son ingénierie, formidable dans sa composition picturale, impressionnant dans son interprétation (on n’imagine même pas que Leonard DiCaprio reparte bredouille des Oscars), «The Revenant» s’affiche d’emblée comme un monument de cinéma sans équivalent, comme une expérience immersive hors du commun. Amen.

Note: 
Critique: Professeur Grant.


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