Les Visiteurs - La Révolution


Bloqués dans les couloirs du temps, Godefroy de Montmirail et son fidèle serviteur Jacquouille sont projetés dans une époque de profonds bouleversements politiques et sociaux : la Révolution Française... Plus précisément, la Terreur, période de grands dangers pendant laquelle les descendants de Jacquouille La Fripouille, révolutionnaires convaincus, confisquent le château et tous les biens des descendants de Godefroy de Montmirail, aristocrates arrogants en fuite dont la vie ne tient qu'à un fil.





 
Introduction: «Mortecouille!»
Mortecouille, la révolution n’aura point lieu! L’évolution non plus d’ailleurs. Toutefois, ce n’est pas la merdasse royale vantée par une bande-annonce qui ne fait bander qu’elle-même. Soyons magnanime, il n’y a pas de quoi leur peler le jonc comme on l’a naguère fait au bailli du Limousin, paix à son âme au passage. Le triumvirat gagnant de la saga culte, à savoir Jean Reno/Christian Clavier/Jean-Marie Poiré, revient donc pour un troisième volet, non sans un certain plaisir plutôt communicatif. Certes, on a d’abord dû subir une médiocre escapade hollywoodienne quémandée par feu John Hugues himself (Home Alone), mais le résultat est tellement douloureux – tant pour les mirettes du spectateur que pour celles de l’équipe du film – qu’il vaut mieux faire fi de cette débandade. Cette suite donc s’inscrit directement dans le sillon laissé par «Les Couloirs du Temps» avec le duo formé par le chevalier Godefroy de Montmirail, dit Le Hardi, et son fidèle escuyer Jacquouille, dit La Fripouille, tombés en pleine Terreur, soit au moment où les rôles s’inversent: la noblesse perd la tête et les petites gens montent au créneau. Excellente base pour recouvrer une nouvelle dynamique dans ce tandem moyenâgeux plutôt improbable.
De la comédie…
Le problème, c’est que la vis comica de la paire Poiré/Clavier a pris un sérieux coup de vieux. Usant et abusant de l’effet nostalgique, nos deux compères se fourvoient dans les mêmes recettes. On nous ressert les mêmes gags éculés pensant sans doute nous installer dans une douce langueur qui nous ferait regretter la comédie populaire française d’antan. Que nenni! Ces madeleines de Proust sont totalement indigestes tant le cinéphile attend l’originalité qu’il est en droit d’avoir avec ce changement de contexte historique. A trop se rappeler les succès des années 90, le tandem en oublie la créativité. Si on ne s’ennuie pas, on ne s’amuse pas non plus. Ca la fout mal quand on ambitionne la farce décomplexée. Car si le deuxième volet était tant décrié pour ses quelques maladresses (Muriel Robin qui singe Valérie Lemercier, le montage épileptique digne des pires clips de boys bands…), il avait pour lui d’offrir quelques fulgurances comiques qui en font un incontournable de la pantalonnade débridée avec ses scènes cultes à foison (le mariage, l’incendie…). Ici, on ne retrouve pas cette frénésie drolatique. Tout juste a-t-on droit à un charivari assourdissant. Quelques bons mots (la rencontre avec le marquis, dit «l’Essuie-cul») et dialogues de situation (le déménagement des Montmirail) font mouche, mais pas de quoi se rouler par terre non plus.
… à la scatologie
La preuve que la comédie se fait mollassonne: cette propension à faire dans la répétition stérile. La blague des odeurs, c’est sympa, quoique déjà bien exploité dans les numéros 1 et 2, mais trop is te veel comme on dit dans nos contrées bruxelloises. Et que dire de cette scatologie envahissante. Même les moins bégueules seront fatigués de cet humour régressif. Quand le verbe n’est pas fleuri (la sentence «Quand on se chauffe au crottin, on pue la merde»), ce sont les faits et gestes des personnages qui fatiguent. Résultat: un ramassis de gags poussifs et laborieux: vesses inopportunes, éructations à gogo, crottin à la bonne flambée, Robespierre pris d’une monumentale courante, geyser d’urine (on est en 2016 et Clavier pense encore nous faire rire avec ça ?) etc. Qu’on se le dise, ça puire, messire! Le cinéphile est alors envahi par un sentiment troublant; comme s’il était gêné d’assister à l’impéritie de grandes figures de la comédie à nous faire rire avec des situations lourdingues. En se réduisant à un «niveau caniveau» des plus lourdauds, on se dit que c’est un peu le début de la fin. Clavier et Poiré se reposant trop sur leurs lauriers. La solution aurait peut-être été d’ouvrir les sessions d’écriture à d’autres plumes, histoire de renouveler les péripéties cocasses et d’apporter du sang neuf dans cette vaste entreprise un brin datée. Car la créativité, fût-elle même humoristique, fait défaut à cette troisième aventure.
Casting: il y a à boire et à manger
Exit donc les répliques cultes et les moments d’anthologie nonobstant un casting aux petits oignons. Si Christian Clavier surjoue et gesticule dans tous les sens à force de cris et de mimiques ad nauseam, frisant presque la caricature de la caricature, et du coup l’overdose pour le spectateur, Jean Reno, lui, est totalement transparent, en apnée, dans une autre galaxie. Quasi constamment en retrait, on constate malheureusement que notre Hardi n’a plus la pétulance d’antan. Heureusement, le métrage est porté par une belle brochette de seconds rôles rendant un effet de troupe plaisant et non la tourbe crainte. Les «jeunes» recrues se délectent d’être associées à cette franchise et ça se voit à l’écran: Karin Viard et Alex Lutz affichent des visages parfaitement odieux, Franck Dubosc poursuit sa métamorphose du cabotin qui devient comédien avec une prestation plus qu’honorable en petit, petit, petit… fillot de Montmirail et Ary Abittan joue à la perfection un faux noble précieux. Notons encore la présence du couple de concierges Pascal N’Zonzi/Marie-Anne Chazel, qui fait le job sans démériter, ainsi que de Nicolas Vaude et Sylvie Testud, en frère et sœur Robespierre, contre-pieds sérieux essentiels pour rythmer la comédie. Ces deux derniers viennent apporter un peu de poids et de crédibilité à cette fanfaronnade débilitante. Cela dit, l’histoire se montre un peu trop gourmande en personnages et certains d’entre-eux passent à la trappe: les sous-sous-intrigues avec Frédérique Bel, Lorànt Deutsch, Christian Hecq (pénible Marat) et Stéphanie Crayencour n’apportent pas grand-chose et alourdissent inutilement la narration.
Le cours de l’Histoire
Toujours sur le plan scénaristique, le récit semble ne pas trop savoir dans quelle direction aller. Erratique, comme Godefroy, cette brute féodale qui s’obstine d’abord à remettre le dauphin sur le trône, ce qui aurait fait une magnifique trame, et qui, au fur et à mesure, se détourne de son noble dessein pour retourner dans son temps, entendez une resucée des deux premiers «Visiteurs». Le film lance ainsi des pistes narratives qu’il abandonne aussitôt. Dommage, car Clavier et Poiré tenaient là le véritable sujet qui aurait permis au métrage de s’envoler avec sève et originalité. Imaginez, cousin Hub’ aurait à lui seul changer le cours de l’Histoire… Pourtant parti avec une excellente idée de départ (le Moyen-Age rencontre la Révolution), les auteurs n’exploitent finalement pas tant que cela cet angle historique tout comme ils survolent le changement de statut des deux protagonistes. L’écriture aurait mérité d’être plus finaude et plus approfondie afin de nourrir davantage d’enjeux. S’il n’y a pas de quoi passer à la guillotine, on reste toutefois sur notre faim jusqu’à un épilogue - dont on taira la surprise - qui vient relancer tout intérêt et laisse présager une quatrième équipée plutôt intrigante, pour peu que le scénario soit plus écrit.
Conclusion: la boîte à troubadours
On comprend mieux maintenant pourquoi Gaumont a refusé de montrer son film aux médias. Peut-être les producteurs se sont-ils rendus compte de la faible qualité de l’ensemble, s’attendant aux nombreux coups de griffe de la presse parisienne, jamais tendre avec la comédie populaire hexagonale. Ainsi pour éviter le bad buzz, seuls quelques titres, triés sur le volet, ont pu assister à une vision presse. Des béni-oui-oui choisis pour leur faible qualité d’analyse. Voyez plutôt: l’usurpatrice Cathy Immelen de la Rtbf, davantage speakerine voire animatrice que spécialiste du septième art, et les journaleux peu inspirés de la Dernière Heure et du Ciné Télé Revue, plus conteurs d’histoires people que réels critiques de cinéma. On comprend également pourquoi le distributeur a enjoint à son homologue belge de retirer le long métrage de l’affiche du BIFFF (Festival International du Film Fantastique de Bruxelles), tant le public, plutôt narquois, se serait fait une joie de flinguer cette piètre production. Bref, tout s’explique. Gaumont veut que le grand public se fasse sa propre opinion et ne soit pas influencé par les critiques. Ceci étant dit, le bouche-à-oreille risque de ne pas être tendre même si, lors de l’avant-première, le mardi 5 février dernier, le fessard bien loti dans les sièges de la superbe salle Grand Eldorado de l’UGC De Brouckère, certains spectateurs se sont laissés aller à quelques rires gras, parfois forcés pour faire comprendre qu’ils ont saisi les allusions aux premiers épisodes. D’aucuns y trouveront donc leur compte. Pour notre part, on vous aura prévenu. Oubliez la salle obscure et attendez que ces Visiteurs passent dans votre boîte à troubadours. 

Note: 
Critique: Professeur Grant

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