L'Idéal
L'ancien concepteur-rédacteur Octave Parango de « 99 francs » s'est reconverti dans le "model scouting" à Moscou. Cet hédoniste cynique mène une vie très agréable dans les bras de jeunes mannequins russes et les jets privés de ses amis oligarques... jusqu'au jour où il est contacté par L'Idéal, la première entreprise de cosmétiques au monde, secouée par un gigantesque scandale médiatique.
Notre antihéros aura sept jours pour trouver une nouvelle égérie en sillonnant les confins de la Russie post-communiste, sous les ordres de Valentine Winfeld, une directrice visuelle sèche et autoritaire.
Entre les réunions de crise à Paris, les castings à Moscou, une élection de Miss en Sibérie, une fête chez un milliardaire poutinien et une quête des "new faces" aux quatre coins de l'ex-URSS, le fêtard paresseux et la workaholic frigide vont apprendre à se supporter et peut-être même à se sauver.
« La beauté, c’est
parfois moche », affirme l’affiche avec un majeur en érection, comme un
pied de nez aux campagnes promotionnelles pour vernis à ongle. Après avoir
brocardé le monde de la publicité dans son extraordinaire bouquin « 99
Francs », l’écrivain Frédéric Beigbeder s’est fait plaisir en tirant à
boulet de canon sur l’univers du cosmétique dans son roman « Au secours,
pardon ». Ainsi, après Madone, ou plutôt Danone, c’est au tour de L’Idéal,
entendez L’Oréal, d’en prendre plein les dents. Si le premier livre jouissait
d’une formidable adaptation sur grand écran, le deuxième en était encore
orphelin. Aujourd’hui, le mal est réparé. Exit le duo Jan Kounen/Jean Dujardin
(le premier reproche au second d’avoir sucré son court-métrage du montage final
du film à sketchs « Les Infidèles »), c’est au tour de la paire
Frédéric Beigbeder/Gaspard Proust de prendre les rênes du projet
cinématographique. Du coup, le titre de travail « 99 Roubles »
changent et devient « L’Idéal ».
On ne va pas vous le
cacher, c’est avec une délectable envie qu’on retrouve notre antihéros préféré.
Octave Parango, l’ancien concepteur-rédacteur de « 99 francs », s’est
reconverti dans le « model scouting » à Moscou. Notre hédoniste
cynique mène une vie agréable dans les bras de jeunes mannequins russes – le
plus souvent habillées en tenue d’Eve - et les jets privés de ses amis
oligarques. Jusqu’au jour où il est contacté en urgence par L’Idéal. La
première entreprise de cosmétiques au monde est secouée par un scandale
médiatique sans précédent. Le temps est compté : notre fêtard paresseux
aura sept jours pour trouver une nouvelle égérie en sillonnant les confins de
la Russie post-communiste, sous les ordres de la workaholic frigide Valentine
Winfeld, visuel coach de « L’Idéal World », aussi sèche qu’autoritaire.
Après avoir fait ses
armes sur son premier film « L’amour dure trois ans», adaptation de son
propre roman, Frédéric Beigbeder passe la seconde. Oubliez sa comédie
romantique sirupeuse sans intérêt, l’auteur devenu réalisateur a désormais des
ambitions cinématographiques. Et c’est tant mieux car la gageure est « hénaurme » :
faire au moins aussi bien que la mise en scène inventive de Jan Kounen.
Visuellement, « L’Idéal » envoie du lourd même s’il perd cet aspect hallucinogène
qui faisait tout le sel de « 99 Francs ». Confortablement assis sur
un budget considérable, l’ex-publicitaire déborde d’idées (l’intro,
géniale !), s’octroie les pires délires graphiques (la scène « roller
coaster » dans le château, joyeusement too much) et s’essaye à de beaux
plans-séquences. Mais là où l’éclat devient percutant, c’est lorsqu’il signe
des pastiches des campagnes des grandes enseignes du luxe. Pas de doute,
l’homme connaît son sujet.
Seulement, sa position
n’est pas tenable. Comment peut-on fustiger et dénoncer ce dont on
profite allègrement? D’une part, le réalisateur entend pourfendre la
dictature de la beauté et, d’autre part, ce dernier jouit sans entrave des
dérives qui découlent de ce monde du paraître. Rappelons que le metteur en
scène est également le directeur de la rédaction de « Lui », magazine
faisant l’apologie du soi-disant « beau » et financé entre autres par
les publicités du secteur du luxe. Ainsi, l’impartialité et le manque de
sincérité de l’auteur font que son brûlot satirique en devient totalement
inoffensif. Par ailleurs, on aurait aimé que la charge soit plus incisive, plus
documentée, plus politique aussi. Mais non, la critique reste beaucoup trop en
surface et n’apporte pas les démangeaisons qu’est censé nous procurer tout poil
à gratter. Le factum espéré ne viendra jamais.
Tant pis pour la
diatribe. Reste alors une comédie irrévérencieuse aux dialogues tirés au
cordeau. Beigbeder n’a pas son pareil pour écrire des répliques qui claquent. Des
punchlines et autres formules toutes faites qui s’apprécient d’autant plus qu’elles
sont prononcées par Gaspard Proust, alter ego idoine du romancier, et Audrey
Fleurot. La comédienne obtient enfin un rôle comique à sa juste valeur. Mais
l’acteur qui s’en sort encore le mieux, c’est Jonathan Lambert, fantastique en
patron(ne) d’une multinationale. Un César du meilleur second rôle ? Mille
fois oui ! « Parce qu’il le vaut bien… » Même si on rêvasse :
l’Académie n’est toujours pas prête à sacrer des comédies. Et puis, il ne
faudrait pas fâcher les sponsors et partenaires, quasiment tous issus de
l’empire du luxe et de la beauté…
Si
« L’Idéal » part sur les chapeaux de roue, le métrage ne tarde
toutefois pas à montrer ses limites. Plusieurs maladresses viennent ainsi
gâcher le plaisir du cinéphile : le scénario, cousu de fil blanc, ne
manque pas de flotter par moments ; certaines séquences sont maladroites
voire totalement ratées (le caméo incompréhensible de Beigbeder); la direction
d’acteurs ne convainc pas entièrement (Fleurot en roue libre lors d’une
bacchanale endiablée). En outre, Beigbeder, tel un enfant à qui on aurait donné
tous les jouets, n’évite pas les excès et, pis encore, aime se regarder filmer :
certaines scènes et l’un ou l’autre gag tirent en longueur. Enfin, le happy end
« bisounours » réduit fortement la férocité et la perversité de sa
farce et finit par donner une impression mitigée au spectateur qui reste de
marbre.
Note: ★★
Critique: Professeur Grant
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