Rogue One : A Star Wars Story

Situé entre les épisodes III et IV de la saga Star Wars, ce spin-off racontera comment un commando rebelle se lance dans une mission pour voler les plans de l'Etoile Noire. 
/!\ spoiler alert /!\ 
 



Faussement vendu comme l'épisode 3.5 de la saga, 'Rogue One : A Star Wars Story' s'avère être l'épisode 3.9 tant son intrigue et celle du quatrième ('A New Hope' (1977) – le tout premier sorti ; vous suivez toujours ? ) sont contiguës. L'absence du générique illustre n'en fait pas pour autant un stand-alone film puisqu'il s'intercale parfaitement entre les deux trilogies existantes. Sortir une préquelle à la trilogie originale et ainsi triturer les « circuits nostalgiques » des fans, une fausse bonne idée ? 

Disons-le de but en blanc, 'Rogue One' est là pour faire patienter les fans avant l'épisode VIII (dont la sortie est prévue en décembre 2017) ; et par la même occasion, remplir le tiroir-caisse de Mickey et Cie. Car si narrer le passage de la lumière au côté obscur d'Anakin Skywalker avait du sens, raconter le vol des plans de l'étoile noire n'en présente que très peu. L'épilogue de 'Revenge of the Sith' prenait d'ailleurs bien soin d'assurer un raccord avec la trilogie originale. Dès lors, nous sommes en droit de nous demander ce que 'Rogue One' peut bien apporter scénaristiquement parlant ? Rien. Nada. Nihil novi. Retracer les aventures de figures emblématiques (nous pensons à Yoda mais surtout à Obi-Wan) aurait été captivant. Qu'adviennent ces personnages entre les épisodes III et IV ? Force nous est de constater que nous restons à nouveau sans réponse. 'Rogue One' n'est rien de plus qu'une parenthèse. Que disons-nous ? Une note en bas de page…

Les plus
Même si 'Rogue One' déçoit, il n'est pas dénué de qualités.
Visuellement parlant, la magie opère toujours. La réalisation est efficace. De plus, les acteurs – pour la plupart étrangers à la franchise – sont tous plutôt convaincants. Que ce soit le vaurien joué par Diego Luna, le binôme improbable formé par Donnie Yen/ Jiang Wen, ou le pilote de l'Empire devenu rebelle interprété par Riz Ahmed ; tous excellent. Rappelons qu'un tel casting fait du bien à une industrie qui est toujours empêtrée dans des problèmes de mixité (Cfr. le buzz autour de 'Ghost in the Shell'). Ben Mendelsohn, Forest Whitaker et Mads Mikkelsen complètent admirablement cette équipe. Tout comme dans de 'The Force Awakens', une femme (la brillante Felicity Jones) occupe à nouveau habilement le devant de la scène. À quand une réalisatrice aux commandes de 'Star Wars' ? De plus, pour la première fois dans l'histoire de la saga, les héros de la rébellion ont du sang sur les mains. Quant aux hommes au service de l'Empire, ils ne sont pas tous mauvais. Cette vision non-manichéenne apporte plus de réalisme à la saga. Et puis il y a K-2SO (dont la voix est celle du drolatique Alan Tudyk), ce robot qui vole la vedette dans le camp des rebelles. Certains acteurs de la nouvelle trilogie (Genevieve O'Reilly dans le rôle de Mon Mothma et Jimmy Smits dans celui de Bail Organa) signent leur grand retour. Avec son caméo, Anthony Daniels (C3PO) se distingue comme étant le seul acteur à avoir joué dans tous les Star Wars. Les quelques références aux séries animées 'Star Wars Rebels' (2014) et 'Star Wars : The Clone Wars' (2008) raviront les jeunes fans.

Les moins
Puisque fondées sur la nostalgie pure, les bases de 'Rogue One' sont plutôt fragiles. On retrouve les mêmes créatures, les mêmes vaisseaux (présentant une légère variation) et le bon vieux schéma (les gentils font un raid sur la base ennemie en espérant que la force soit avec eux). Par le passé révolutionnaire, le 'Star Wars' nouveau apparaît comme familier et plutôt figé. Dans la famille du général Ackbar, donnez-nous le cousin bleu ! Vous pouvez aussi compter sur les deux vermines de la Cantine (dont le type le plus moche de l'univers). Cette série de cameos, au lieu d'agrandir l'univers, renforce l'impression que l'univers de SW tient dans une poche !
Niveau scénario, c'est la traversée du désert (de Sarlacc). Le lien entre les deux trilogies, 'Rogue One' ne parvient pas à le faire pleinement. Preuve en est la réplique du rebelle qui mourra étranglé aux mains de Darth Vader au début de l'épisode IV : « C'est un vaisseau consulaire en mission diplomatique. » Après avoir vu 'Rogue One', cette réplique n'a plus aucun sens. Ou alors les rebelles prennent Darth Vader pour un Gungan décérébré ! 'Rogue One' fait aussi face au problème du blockbuster traditionnel : les personnages secondaires sonnent creux. Tous se joignent donc à l'aventure sans poser de questions.
En outre, des problèmes de rythme sont aussi à signaler. On a parfois l'impression de passer « du coq à l'Ewok » ! Ces problèmes peuvent être expliqués par plusieurs remplacements de dernière minute. L'empire Disney a ainsi fait un pont d'or à Tony Gilroy ('The Bourne Legacy', 'Michael Clayton'). Alexandre Desplat a quant à lui quitté le vaisseau spatial. Michael Giacchino a ainsi du boucler la BO en seulement six semaines. 'Rogue One' est donc le tout premier Star Wars sans John Williams à la baguette.
Puis, il y a les fantômes CGI-isés. Ces personnages qui semblent surgir d'outre-tombe. Le « futur » Grand Moff Tarkin (joué initialement par feu Peter Cushing) et la Princesse Leia apparaissent sous leurs traits d'autant. Quel manque de respect envers Carrie Fisher ! Red Leader et Gold Leader subissent également une cure de jeunesse. Plutôt que de se demander si ces ajouts étaient incontournables, la production l'a fait car elle était capable de le faire. Quelle piètre décision !
Nul doute que les personnages « faceliftés » supporteront moins bien le passage du temps.
Pour la première fois dans un SW, nous avons l'impression que les personnages ne sont rien de plus que de la « Chair à blaster ». Le sort funeste réservé aux personnages principaux nous enlève tout plaisir et nous frustre quelque peu.
Un Star Wars sans Jedi ni sabre laser ? C'était l'un des enjeux de 'Rogue One'. Chirrut Îmwe, ce Jedi qui s'ignore ? Non, ce n'est rien de plus qu'un Jedi non-formé. Côté sabre laser, les scénaristes ont fait abstinence pendant 120 minutes… avant de succomber au côté obscur (de Darth Vader). À ce niveau, 'Rogue One' lorgne un peu trop le monde vidéoludique ; certaines scènes semblant tout droit sorties d'un jeu vidéo. On s'interroge encore sur la présence du studio Ubisoft au générique de fin. De même, les Shadow Troopersissus du dernier jeu EA – s'avèrent complètement inutiles (ont-ils une autre fonction que de booster le merchandising ?).

Le mot de la fin
Intense et par moments désespérée, l'action de 'Rogue One' se termine avec un grand final certes salvateur mais qui fait plus penser à une fin alternative. C'est comme si la toile 'Rogue One' portait deux signatures. Toute tentative d'originalité est enchaînée par les fantômes du passé : la musique de John Williams, les grandes figures de la saga, les cameos et autres easter eggs. Qu'apporte 'Rogue One' mis à part des spectaculaires phases d'action ? Gageons que le réalisateur et les quatre scénaristes n'ont pas du se poser la question.

En définitive, 'Rogue One' respecte les lignes de force de la saga, à ceci-près qu'il échoue dans la plus importante mission : celle de nous faire rêver. Après un 'The Force Awakens' rafraîchissant et inspiré, 'Rogue One' fait perdre (un peu) de son aura à la saga.

Note :
Critique : Goupil

Autre critique, autre point de vue: Rogue One : A Star Wars Story vu par le Professeur Grant

 

Oui… ben non! S’il est apparemment de bon ton de porter aux nues « Rogue One : A Star Wars Story », nous, on reste de marbre. La critique internationale s’exalte devant ce premier spin-off de la série mère mais, à notre humble avis, il n’y a pas lieu de s’écrier « hip, hip, hip, hourra!!! ». Certes, ce nouveau venu dans la saga intergalactique offre quelques bonnes idées. La première et la plus évidente est de faire le lien entre la prélogie foireuse des années 2000 et la trilogie qu’on a tous adorée. En s’attardant sur une escouade de l’Alliance chargée de récupérer les plans de l’Etoile de la Mort, cet épisode 3.5 fait la connexion entre « Revenge of The Sith » et « A New Hope », le volet originel. Le hic, c'est que si l’idée s’avère prometteuse, ce qui en est fait dans le scénario est plutôt hasardeux. A l’image du premier acte qui s’obstine à nous faire voyager d’environnement en environnement sans aucun souci de fluidité. L’histoire peine à s’installer et, du coup, on s’ennuie ferme. Pis, on voit trop bien où le récit compte nous amener. Les scénaristes ne s’embarrassent pas avec les rebondissements et le tout se lit trop facilement. Et on vous passe les références beaucoup trop appuyées et totalement inutiles.
Autre problème de taille : le manque de charisme des protagonistes. A force de n’avoir d’yeux que pour l’héroïne (Felicity Jones, belle et rebelle), les personnages secondaires apparaissent terriblement fades. Et très vite l’argument marketing Disney s’affiche au grand jour : une femme, un Mexicain, deux Chinois (oui, parce que le marché asiatique est devenu vital aujourd’hui pour un blockbuster made in USA), un Indien, un Black (cours Forest, cours !), un robot forcément rigolo (ou pas)… Bref, une belle diversité labellisée « United Colors of Benetton ». Surtout ne froisser personne, surtout convenir à tout le monde… Après, que les acteurs jouent bien ou que les rôles soient épais, le réalisateur Gareth Edwards (le très bon « Monsters », le moins bon « Godzilla ») semble s’en balancer les valseuses avec une facilité qui en déconcertera plus d’un ; hormis peut-être notre KDB national, lequel est passé maître dans l’art de se chatouiller les roubignoles depuis l’Euro 2016. Ainsi, Jian Weng fait office de figurant de luxe avec ses trois lignes de dialogue tandis que le méchant Krennic (Ben Mendelsohn fait ce qu’il peut) ressemble à une sorte d’ersatz de tous les vilains pas beaux croisés précédemment dans la franchise. A croire qu’ils sont sortis du même moule… Moralité : c’est bien beau de vouloir réaliser un métrage multiculturel, mais la prochaine fois, ce serait mieux de donner à tous les comédiens davantage de matière significative et substantielle.
Et, au passage, éviter les moments ridicules auxquels nous sommes priés d’assister. Comme cette scène où notre aveugle timbré de la force (Donnie Yen en total freestyle) se met à marcher au ralenti en zone de conflit. Notre ahuri de messie n’est atteint par aucun laser alors qu’il en pleut comme vache qui pisse. Ses copains rebelles, plutôt bien cachés eux, se feront tous zigouiller en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. C’est qu’ils ne ressentent pas la force, eux… On a beaucoup rigolé. Mais ce n’était pas le but recherché, semble-t-il. Et tous les moments censés être tragiques sont désamorcés par un je-m’en-foutisme intégral car le spectateur ne s’est finalement attaché à aucun des personnages. Sous couvert de fournir un résultat plus sombre, Gareth Edwards laisse de côté l’humour qui fait tout le sel de la saga. Force est de constater que le premier degré sied moins au space opera. Si on sent que le Britannique souhaitait créer un genre dans le genre, ce dernier réussit qu’à moitié son ambition, sans doute freiné dans son élan par les pontes de la maison de Mickey. Ainsi, les quelques touches d’humour tombent à plat tandis que les rares séquences violentes ont tout à fait leur place dans un épisode de Maya l’abeille. On exagère. Quoique…
Sans être innovante, la réalisation dépote suffisamment que pour tenir les deux heures quart tandis que les affrontements nous rappellent les meilleures scènes des opus IV et V. Ces derniers sont servis par des effets spéciaux qui permettent à Gareth Edwards d’assouvir ses propres fantasmes de gosse. Les aficionados seront aux anges même si cette série dérivée souffre d’une carence en séquence d’anthologie. Au sortir de la projection, aucun moment mémorable ne vous viendra à l’esprit. Si ce n’est, pour les puristes, les apparitions du Grand Moff Tarkin, le futur commandant de l’Etoile noire. Au-delà du retour d’un personnage croisé dans l’épisode IV, c’est surtout la résurrection d’un acteur. En effet, près de quarante ans après son apparition dans la franchise, on retrouve à l’écran Peter Cushing… décédé en 1994. Une prouesse technique aussi époustouflante qu’onéreuse qui permet aux graphistes de rajeunir des comédiens (Michael Douglas dans « Ant-Man » par exemple) ou, comme ici, de les ressusciter. Si la première utilisation ne nous dérange pas, la seconde est discutable et pose de nombreuses questions morales. Jusqu’où peut-on aller pour « faire du cinéma » ? Le septième art ne devrait-il pas se soumettre à une certaine éthique ? La question est posée*.
Note:
Critique: Professeur Grant
* Ladite question vous intéresse, vous interpelle, vous empêche de dormir, vous… bref, regardez « The Congress » d’Ari Folman (l’excellent Waltz with Bashir) avec Robin Wright.

N.B. : Prochain anthology film en 2018 avec 'Han Solo : A Star Wars Story'.

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