T2 Trainspotting



D’abord, une bonne occasion s’est présentée. Puis vint la trahison.

Vingt ans plus tard, certaines choses ont changé, d’autres non.
Mark Renton revient au seul endroit qu’il ait jamais considéré comme son foyer.
Spud, Sick Boy et Begbie l’attendent.
Mais d’autres vieilles connaissances le guettent elles aussi : la tristesse, le deuil, la joie, la vengeance, la haine, l’amitié, le désir, la peur, les regrets, l’héroïne, l’autodestruction, le danger et la mort. Toutes sont là pour l’accueillir, prêtes à entrer dans la danse...










Introduction : God Save The 90’s

Autant un film culte qu’une œuvre générationnelle, l’ofni (objet filmique non identifié) tout droit venu d’Ecosse « Trainspotting » fut une véritable claque pour votre humble serviteur, cinéphile en herbe au crépuscule des années 90. Une révélation ! Le genre de petite bombe cinématographique qui vous marque un esprit rebelle un brin folâtre des jours durant. Son génie visuel, son casting de losers patentés, son ambiance trash, ses répliques mémorables, sa bande originale légendaire, ce long-métrage déjanté a marqué au fer rouge une époque. Une pièce maîtresse de la cinéphilie de nombreux représentants de la génération Y abreuvés à la pop culture et qui n’aspirent qu’à retrouver le parfum nostalgique des nineties. C’est d’ailleurs précisément de cela dont parle cette suite titrée « T2 » (« pour faire ch*** James « Terminator » Cameron », dixit la production) : la nostalgie.


Chapitre un : Flashback

Vingt années se sont déroulées. Des trains sont passés. Des rides sont apparues. Les acteurs ont vieilli. Leurs personnages aussi. Après deux décennies passées en exil amstellodamois, Renton (Ewan McGregor) revient sur ses terres natales, à Edimbourg. Accueilli par des hôtesses touristiques… slovènes, il remarque que tout a changé. Et en même temps, rien n’a fondamentalement bougé. Spud (Ewen Bremner), piégé par l’heure d’été (!), combat son addiction à l’héroïne, Sick Boy (Jonny Lee Miller) se débat dans des combines foireuses tandis que l’acrimonieux Begbie (Robert Carlyle) a toujours les nerfs à fleurs de peau. Un quatuor impossible à reformer. Flashback : souvenez-vous, une vingtaine d’années plus tôt, Renton s’était fait la malle avec le magot collectif d’un trafic de drogues. Si de l’eau a coulé sous les ponts, l’amertume, elle, est toujours bien présente.


Chapitre deux : Choose life

Réminiscences, trahisons, rédemption, vengeance sont au menu de cette histoire librement adaptée de « Porno », la suite écrite par Irvin Welsh. A l’image du mémorable « Born Slippy », devenu le thème musical du film et remixé pour cette nouvelle fournée en « Slow Slippy », le rythme est plus lent, moins névrosé, loin de l’énergie vibrante du premier opus. C’est parce que la tonalité est différente. La rage, l’insouciance et la fougue de la jeunesse ont laissé place aux désillusions, aux regrets et à la peur du lendemain. C’est que les personnages affichent leurs années. Le temps a fait son œuvre. En 1996, le junkie Renton, 26 printemps au compteur et la vie de tous les possibles devant lui, affirmait : « I chose not to choose life ».


Chapitre trois : Boomerang

Aujourd’hui, c’est la prise de conscience. La vie l’a rattrapé. A 46 ans, celui-ci est nulle part. Sans foyer, sans amis, sans vie. La santé l’a rappelé à l’ordre. Alors, il se rattache au passé, à ses racines. Par nostalgie. Parce que c’était mieux avant. Et le réalisateur Danny Boyle parvient exactement à capter cette mélancolie. Un vague à l’âme renvoyé tel un boomerang au spectateur, lequel est confronté à lui-même, à son âge, au temps qui passe et à l’époque où il a visionné « Trainspotting » pour la première fois. Si le volet originel dressait le portrait quasi désespéré d’une jeunesse désœuvrée qui passe son temps à affonner des pintes et à s’injecter des fix d’héroïne, le deuxième opus creuse une réflexion acidulée sur la fuite du temps, la langueur et l’impossible retour en arrière.


Chapitre quatre : Brexit

Le premier était dans l’urgence, le second fait son nid dans le spleen et le désenchantement. Les protagonistes ont grandi, mais ont-ils mûri pour autant ? Heureusement, non. La sagesse, ce ne sera pas pour tout de suite. Et revoilà nos pieds nickelés empêtrés dans une sombre histoire de détournements de fonds de… l’Union européenne ! (récit déjà suranné car écrit avant le Brexit). Le scénario s’avère plutôt ténu et l’intérêt de l’intrigue est subsidiaire. Le plaisir est ailleurs. Dans les retrouvailles des protagonistes qu’on a adorés suivre jadis évidemment, dans les nombreux clins d’œil à l’œuvre originale (Kelly McDonald a même droit à sa scène), dans la bande-son démente qui convient autant les fantômes du passé (les titres-phares d’Underworld et Iggy Pop) que de nouvelles pépites (Wolf Alice, Young Fathers) ou des tubes indémodables (Run-DMC, Blondie, Queen), dans les dialogues (le monologue « Choose life » réactualisé), mais aussi, et surtout, dans la virtuosité de la mise en scène d’un Danny Boyle toujours inventif, entre gimmicks tape-à-l’œil et effets d’épate soignés.


Conclusion : Lust 4 Life


Mission quasiment impossible sur papier, le trio de chevilles ouvrières, que sont le producteur Andrew Macdonald, le scénariste John Hodge et le cinéaste Danny Boyle, a parfaitement réussi sa sequel. Le résultat est une comédie douce-amère (im)pertinente, jouissive dans l’humour débridé et émouvante lorsqu’elle se teinte d’une vraie nostalgie. Contrairement aux idées reçues, avoir attendu si longtemps pour donner une suite au phénomène 90’s se révèle finalement être une bonne chose. La seule limite de leur entreprise : elle ne s’adresse qu’aux fans shootés à la dopamine joyeusement offerte par le premier épisode. Ces derniers seront d’ailleurs ravis de la manière dont l’équipe du film referme la boucle de son diptyque. Les autres, mis de côté par cette nostalgie ambiante voire prépondérante, passeront leur chemin.

Note:
Critique: Professeur Grant

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