Detroit




Été 1967. Les États-Unis connaissent une vague d’émeutes sans précédent. La guerre du Vietnam, vécue comme une intervention néocoloniale, et la ségrégation raciale nourrissent la contestation.

À Detroit, alors que le climat est insurrectionnel depuis deux jours, des coups de feu sont entendus en pleine nuit à proximité d’une base de la Garde nationale. Les forces de l’ordre encerclent l’Algiers Motel d’où semblent provenir les détonations. Bafouant toute procédure, les policiers soumettent une poignée de clients de l’hôtel à un interrogatoire sadique pour extorquer leurs aveux. Le bilan sera très lourd : trois hommes, non armés, seront abattus à bout portant, et plusieurs autres blessés…








A feu et à sang

Pour la troisième fois consécutive, la réalisatrice Kathryn Bigelow s’associe au scénariste Mark Boal. Une collaboration fructueuse au regard de la razzia d’Oscars glanés par « The Hurt Locker » et aux retours critiques positifs de l’incontournable « Zero Dark Thirty ». Avec « Detroit », le tandem s’attaque cette fois-ci à un fait divers qui a défrayé la chronique au crépuscule des golden sixties. Il y a cinquante ans, durant l’été 1967, le pays d’Oncle Sam connaît une vague d’émeutes sans précédent. La ségrégation raciale et la guerre du Vietnam, vécue comme une intervention néocoloniale, nourrissent la contestation. Au cœur de la Motor City, la tension atteint un niveau paroxysmique. La ville est quasiment à feu et à sang.

Au vu et au su de tous

L’élément déclencheur ? Une descente policière qui tourne mal. De jeunes Afro-américains célèbrent le retour de deux soldats dans une fête clandestine. Très vite, les patrouilles procèdent à des arrestations arbitraires au vu et au su de tous dans le quartier. La tension monte, les émotions sont exacerbées et finalement les habitants font éclater leur colère. L’ire des manifestants n’a d’égal que la réponse musclée des autorités qui dépêchent sur place autant de renforts policiers que militaires. Mais très vite, Boal s’intéresse aux faits qui se sont déroulés à l’Algiers Motel, où des policiers racistes s’en sont pris à de jeunes fêtards. Malmenées, insultées, humiliées mais aussi rudoyées, les victimes subissent également les pires sévices psychologiques. L’issue de cette ratonnade sera tragique.

Effet miroir

Découpé en trois parties (le prologue animé sur l’histoire des Noirs aux États-Unis et le raid dans une soirée secrète ; la longue exposition de l’incident du motel ; et le procès qui en a découlé), « Detroit » est un film maîtrisé de bout en bout. La paire Bigelow/Boal dresse un portrait implacable de cette Amérique viciée par un racisme systémique. Un passé douloureux que bon nombre voudraient passer sous silence. Cette fiction hyper-documentée prend alors l’allure d’un témoignage essentiel qui fait assez paradoxalement écho aux récents événements qui se sont déroulés outre-Atlantique (le mouvement black lives matter et les nombreux dérapages policiers). Un effet miroir troublant et même interpellant.

Au moyen d’une mise en scène immersive et sans concession, Kathryn Bigelow livre un docufiction sans fausse note d’une intensité remarquable. Quant au casting, il met en lumière le talent monumental de jeunes comédiens époustouflants, à l’image de Will Poulter (extraordinaire dans un rôle ingrat), Algee Smith (une révélation !) et John Boyega (sobre et juste). Impressionnant, ce film coup de poing restera comme l’un des grands moments cinématographiques d’une année 2017 qui n’en finit pas de nous surprendre.


Note : 
Critique : Professeur Grant

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