I, Tonya



En 1994, le milieu sportif est bouleversé en apprenant que Nancy Kerrigan, jeune patineuse artistique promise à un brillant avenir, est sauvagement attaquée. Plus choquant encore, la championne Tonya Harding et ses proches sont soupçonnés d'avoir planifié et mis à exécution l'agression…





I. Triple axel

Pour le spectateur lambda, le nom de Craig Gillespie n’a aucune résonance. Mais le cinéphile assidu, lui, reconnaîtra derrière ce patronyme une belle découverte faite il y a une dizaine d’années : Lars and the Real Girls, le genre de petite pépite indé qu’on se plaît à partager. Après deux métrages alimentaires passés chez Mickey (les dispensables Million Dollar Arm et The Finest Hours), le voilà qu’il débarque à nouveau avec un projet excitant : le biopic de Tonya Harding, plus célèbre pour son implication dans l’agression brutale d’une rivale que pour ses talents de patineuse artistique ; première Américaine à avoir effectué la figure complexe du triple axel.

II. White trash

Baigné dans un environnement de redneck et élevé par une marâtre tyrannique (Allison Janney, hénaurme, n’a pas volé son Oscar du meilleur second rôle le week-end passé), ce pur produit white trash des bas-fonds de l’Amérique profonde fait tâche dans une discipline sportive qui a toujours coté l’élégance et le raffinement. Mais comment briller quand la misère sociale vous colle aux basques ? Intelligent et inventif, le récit de Steven Rogers (Stepmom) jongle avec la sempiternelle mention « based on a true story » pour faire comprendre au tout-regardant qu’il se construit avant tout sur les témoignages contradictoires des différents acteurs impliqués dans ce fait divers morbide. Parmi eux, l’auto-proclamé bodyguard personnel de Tonya, un mythomane notoire interprété par le génialissime Paul Walter Hauser (une révélation !).

III. Cinglant et jubilatoire

En se jouant du politiquement correct qui pourrit bon nombre de biopics hollywoodiens par an, lesquels prennent même parfois des allures d’hagiographies insipides, Gillespie, lui, évite astucieusement l’écueil du mélodrame classique et dresse un portrait au vitriol d’une Amérique à deux vitesses tout en offrant une vision au scalpel, aussi cinglante que jubilatoire, du fameux american dream. Avec son métrage empli d’ironie, l’Australien réussit sur tous les tableaux : « I, Tonya » est une dramédie tragi-comique de haut vol, aussi grinçante que décapante, qui rappelle à bien des égards le cinéma percutant de David O. Russell (Three Kings, Fighter, Silver Linings Playbook). Comparaison flatteuse s’il en est.

IV. Éblouissante Margot Robbie

Féroce, corrosif, désopilant mais aussi émouvant grâce à l’éblouissante performance façon « triple axel » de Margot Robbie (The Wolf of Wall Street). Avec ce magnifique portrait de femme, l’Australienne, particulièrement impressionnante, ne s’y est pas trompée : également productrice, cette dernière, le pied à l’étrier, gagne ici ses galons d’actrice de premier plan. Mal fagotée, mal éduquée, impertinente, orgueilleuse, provocatrice, amoureuse, la belle blonde traverse toute une série d’émotions et montre qu’elle est bien plus qu’une plastique à utiliser comme faire-valoir dans des productions de seconde zone (dans notre ligne de mire : l’infâme souvenir Suicide Squad).

V. Tour de force

Armé d’un montage tout bonnement prodigieux - qui aurait cent fois mérité la statuette dorée - et d’une mise en scène virevoltante refusant tout académisme, « I, Tonya » trace à bride abattue sans qu’aucune anicroche ne vienne perturber la glissade. La narration parfaitement ficelée et le découpage nerveux mais diablement efficace permettent aux deux heures de film de filer sans qu’on ne voie défiler les aiguilles de notre montre. Outre le rythme soutenu, insistons encore sur l’incroyable virtuosité du réalisateur lorsque ce dernier tricote ses séquences de patinage : un véritable tour de force ! Par ailleurs, il faut encore souligner l’extraordinaire travail des graphistes de la firme Eight VXF, lesquels ont réussi une greffe totalement invisible du visage de Robbie sur le corps de la cascadeuse. Le résultat est bluffant ! Ainsi, fond et forme se conjuguent au mieux pour aboutir in fine à une œuvre fascinante. Notre coup de cœur du moment.

Note : 

Critique : Professeur Grant

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