Jeannette, l'enfance de Jeanne d'Arc
Domrémy, 1425. Jeannette n’est pas encore Jeanne d’Arc, mais à 8 ans elle veut déjà bouter les anglais hors du royaume de France. Inspirée du Mystère de la charité de Jeanne d’Arc (1910) et de Jeanne d’Arc (1897) de Charles Péguy, la Jeannette de Bruno Dumont revisite les jeunes années d’une future sainte sous forme d’un film musical à la BO électro-pop-rock signée Gautier Serre, alias Igorrr et aux chorégraphies signées Philippe Decouflé.
I. Jeanne
d’Arc et Cara Pils
Rien ne va plus chez
certains « professionnels du cinéma ». Tout va à vau-l’eau dans le
circuit de la distribution belge. Alors que les productions pullulent chaque mercredi
sur les écrans géants, alors qu’il manque cruellement de place pour tous les
accueillir, certains hurluberlus se sont mis en tête de sortir en pleine
période estivale un film périmé tellement clivant et azimuté qu’il ne trouvera
jamais son public dans nos salles obscures bruxelloises, déjà partiellement
désertées, conjoncture oblige. Le délire en question :
« Jeannette : l’enfance de Jeanne d’Arc ». Alors, calmons tout
de suite les ardeurs de chacun, que ce soit les férus de blockbusters et autres
dingos de la Pucelle d’Orléans. Nous sommes aux antipodes du diptyque de Jacques
Rivette avec Sandrine Bonnaire ou du péplum de Luc Besson avec Milla Jovovich.
On
lorgne davantage vers le montage amateur de votre voisin bedonnant et aviné, la
soixantaine bien imbibée, lequel a sorti son caméscope pour filmer sa petite
fillotte beugler des ritournelles incompréhensibles et autres rengaines
harassantes à vous faire saigner les esgourdes. Le tout en dansant bêtement sur
une caisse de Cara Pils pour soigner la chorégraphie. Voilà plus ou moins l’ambition
affichée sur la grande toile. Vous êtes prêts ? Petit rappel au
passage : pour accéder à ce petit plaisir coupable, à ce véritable moment
de bonheur privilégié, il vous faudra débourser la modique somme de 8,50 euros.
Alors, on se la fait cette sortie ciné ? Pour nous, ça ne vaut pas un
fifrelin !
II. En
tout bien tout honneur
Non, clairement, l’équipe
du film n’a jamais manifesté ne serait-ce qu’une once d’ambition artistique.
Alors la volonté commerciale et le retour sur investissement… Vous savez où
vous pouvez vous les carrer. En tout bien tout honneur, bien entendu. Bref, si
tu es distributeur ou patron d’un cinéma et que tu n’as pas envie de mettre la
clef sous la porte, et que par ailleurs l’idée de claquer la bise à un
fonctionnaire d’Actiris te rebute, tu ne peux pas décemment sélectionner un tel
navet faisandé. Intellectuellement, ce n’est pas possible. D’autant plus que
cette fiction, vaguement adaptée des œuvres de Charles Péguy (et encore, avec
« vaguement », on a toujours l’impression d’offenser la mémoire du
poète orléanais), fut projetée pour la première fois au Festival de Cannes, il
y a plus d’un an, accueilli comme il se doit, c’est-à-dire plutôt froidement,
hormis l’un ou l’autre inconditionnel de la filmographie de Bruno Dumont.
Rappelons
également que notre « Jeannette : l’enfance blablabla » fut diffusé
dans la foulée sur la vénérable chaîne Arte à la fin du mois d’août avant de
connaître une funeste sortie en salles tout aussi improbable en septembre. Et
on ne peut pas écrire que ce fut la ruée vers l’or. Quant à l’objet tant prisé,
le Saint Graal cinématographique qui va à coup sûr éclipser votre coffret
collector de la trilogie du « Parrain » de Francis Ford Coppola sur
votre étagère, je veux bien sûr évoquer le dévédé
de la Jeannette en question, il est sorti deux mois après dans une
indifférence quasi totale.
III. Au
bûcher !
Alors oui, on peut
brièvement dévoiler ce qui ne fonctionne pas dans cette daube. Au niveau du
casting par exemple, on est sur une fausse note du début à la fin. Voyez le
tableau : des comédiens non professionnels s’époumonent à déclarer,
déclamer, brailler des galimatias qu’ils ne comprennent visiblement pas. Dans
ce verbiage assommant, la diction de certains quidams laisse à désirer. La
production semble avoir fait l’économie d’une nécessité : celle de se
dégager un petit budget pour s’octroyer les services d’un logopède. Tant qu’on
est dans la médecine et le paramédical, il n’est pas inutile de consulter un
bon oto-rhino-laryngologiste après la projection car la bande-son est tout
bonnement insoutenable et risque de vous créer de sérieuses lésions internes.
Oui, on en est là. La vision de ce nanar est loin d’être de tout repos. Et
c’est d’autant plus dramatique que ce métrage se veut en réalité une comédie musicale.
Très vite, l’incompréhension laisse place au rire… jaune. Car on se rend compte
que le metteur en scène se fout de la gueule de tout : de son texte, de sa
mise en scène, de ses chorégraphies (le meilleur du pire : headbanging sur
du métal…), de ses histrions, de son art. Pis, le cinéaste se moque également
du spectateur. Du coup, le sourire quelque peu forcé, qui s’était déjà effacé
des visages en subissant cette médiocrité de plein fouet, fait place au
désintérêt le plus total. On ne rit pas, on ne s’émeut pas. On souffre. Comme
Jeanne d’Arc sur le bûcher. Tout sonne faux et Dumont érige l’impécuniosité de
sa production en titre de gloire. C’est pire que de l’amateurisme, c’est du je-m’en-foutisme
gratuit à prendre à grande bouchée pendant deux longues et pénibles heures. Original ?
Certes. Risible ? Assurément.
Ne cherchez plus, on
tient là notre navet de l’année.
Note : 0/5
Critique : Professeur Grant
Critique : Professeur Grant
Post-scriptum
Ne vous méprenez pas,
cette critique ne reflète l’avis que d’une seule personne, elle-même persuadée
que certains zozos kifferont ce film et plus globalement la filmographie de
Bruno Dumont, réalisateur dont on a tout de même adoré son escapade télévisuelle
avec l’extraordinaire « P’tit Quinquin ». Il nous tarde d’ailleurs d’apprécier
la saison 2 de ce délire burlesque qui débarquera toujours sur Arte en
septembre prochain et dont le titre nous fait déjà saliver : « Coincoin et les
Z'inhumains ». Par contre, le cinéaste a annoncé qu'il allait s’atteler à... la
suite de « Jeannette ». Au secours!
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