The Sisters Brothers
La
ruée vers l'or a lieu en 1850 au Far West. Les frères Eli et
Charlie Sisters, célèbres tueurs à gages, sont chargés de
retrouver la trace de Hermann Kermit Warm, avec l'aide du fin renard
Morris. Warm est difficile à comprendre et ce qui commence comme une
mission ordinaire vire rapidement à une dangereuse poursuite jusqu'à
l'autre bout du pays. Mais peut-on réellement faire confiance à
Morris ? Et quel est le précieux secret de Warm ? Eli commence à se
demander dans quelle aventure il s'est lancé.
INTRODUCTION
On connaissait le Triple
A, voici le Triple J : John (C. Reilly), Joaquin (Phoenix) et Jake
(Gyllenhaal). Trois pointures de taille dirigées par un virtuose : Jacques
(Audiard). Ou quand le triple devient quadruple. Critique de « The Sisters
Brothers » vu par le Professeur Grant :
I. Audiard
chez l’Oncle Sam
On pensait tout savoir
sur le cinéma de Jacques Audiard. Et pourtant, le cinéaste parvient derechef à
nous surprendre en allant là où on ne l’attendait pas. Dans ce cas-ci : le
western crépusculaire cher à l’Oncle Sam. A-t-il viré sa cuti pour autant ?
C’est mal connaître le bonhomme. On peut en effet compter sur lui pour
s’extirper des archétypes du genre. Après une Palme d’or qui lui a été généreusement
offerte par un jury cannois aveuglé devant un « Dheepan » un peu
faiblard (la véritable Palme 2015, c’est le hongrois Saul Fia), le sexagénaire
s’est laissé séduire par les sirènes du cinéma américain. La sirène en
question… un certain John C. Reilly, détenteur des droits du roman éponyme
« The Sisters Brothers » écrit par Patrick deWitt et fan inconditionnel
du cinéma d’Audiard. Un challenge que le réalisateur français relève haut la
main.
II. Ruée
vers l’or
Plus qu’une chevauchée sur
des mercenaires à la recherche d’un scientifique détenant une formule pour
trouver l’or, ce conte fraternel est avant tout une quête initiatique et
émancipatrice pour un duo de frangins n’ayant pas encore résolu leur place
hiérarchique suite au décès de la figure paternelle. Le Parisien dépeint avec
aisance l’environnement de l’Ouest américain, s’attache à respecter les codes
du western tout en veillant bien à ne pas sombrer dans le pastiche, mais ce qui
l’intéresse finalement, c’est bien la relation entre l’aîné et le cadet d’une fratrie
qui ne tient plus qu’à un fil. Les divergences se font de plus en plus
prégnantes et les aspirations de chacun viennent à prendre des chemins
différents. Mais peut-on dénouer un lien aussi fort après autant
d’années ?
III. John,
Joaquin, Jake & Riz
Interprétée par un tandem
extraordinaire, John C. Reilly à ma gauche, Joaquin Phoenix, à ma droite, la
paire que l’on suit dans ses basses besognes se transformera bientôt en quatuor
charismatique de luxe. Le toujours parfait Jake Gyllenhaal et le brillant Riz
Ahmed prennent part au récit et viennent à leur tour démontrer qu’il y a
définitivement du talent outre-Atlantique qui n’attend qu’à vivre des
expériences cinématographiques avec des cinéastes européens. Il suffit de voir
le nombre de metteurs en scène du Vieux Continent s’expatrier aux Etats-Unis.
Prenons la Flandre par exemple, un vivier de prodiges qui devient peu à peu un
pourvoyeur officiel de réalisateurs pour Hollywood : Erik Van Looy (Loft),
Michael R. Roskam (The Drop), Felix Van Groeningen (Beautiful Boy) et bientôt
la paire Adil El Arbi/Bilall Fallah (Bad Boys 3).
IV. French
connection
Et « The Sisters Brothers », c’est exactement
ça ! La rencontre de la fine fleur de l’acting made in America avec la sensibilité du
cinéma européen. On est d’abord subjugué devant la mise en scène brillante d’Audiard.
Puis, on se passionne pour le scénario dense (la psychologie des personnages
finement travaillée), précis (les détails sur l’époque : l’apparition des
toilettes, du dentifrice, de la brosse à dents) et imprévisible (les
rebondissements inattendus) de Thomas Bidegain. On est bercé par la superbe partition
musicale du fidèle Alexandre Desplat, stakhanoviste qui n’en finit plus de nous
surprendre (après le récent Kursk). Et on est surtout impressionné par la
photographie du Bruxellois Benoît Debie, lequel n’a pas son pareil pour
magnifier les clairs-obscurs. Une contribution essentielle à la réussite
formelle du film.
CONCLUSION
CONCLUSION
Sombre, bouleversant, impitoyable,
profond, drôle, Jacques Audiard signe un western psychologique singulier, sans
fioriture, avec un storytelling irréprochable qui déjoue les attentes. Bref, un
métrage qui fait du bien dans un genre on ne peut plus éculé.
Note : ★★★★
Critique : Professeur Grant
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